6 spécificités de notre organisation pas comme les autres
Notre organisation est atypique.
Nous pensons que les gens sont honnêtes, responsables, motivés et par conséquent, dignes de confiance pour décider par eux-mêmes pour le bien de l’entreprise. Il en découle immédiatement des conséquences logiques : manager les personnes devient inutile, les contrôler devient absurde et les « cadrer » devient contre-productif.
Ce parti-pris se traduit dans notre organisation par : Autonomie, Confiance, Liberté.
Un terme a émergé pour le traduire : l’auto-gouvernance.
Selon certains auteurs*, il s’agit ni plus ni moins que l’étape évolutive suivante de nos organisations actuelles hiérarchiques et matricielles.
Préambule : Atypique mais pourquoi ?
Aux débuts d’ISIS Performance en Rhône-Alpes, Sylvain, le premier collègue que j’ai eu la chance de recruter, avait des qualités personnelles d’autonomie tout à fait exceptionnelles et cruciales à cette époque. Après 1 an de sa présence, j’ai procédé au fameux « entretien annuel » de bilan et d’objectif, marqué par mes 14 années dans le groupe Orange. Cet exercice est emblématique du management qui assied sa posture d’autorité sur son subordonné, appelé pudiquement « collaborateur », sans doute dans une idée de liberté de collaboration.
Mais tout le monde a bien identifié secrètement (c’est-à-dire publiquement à la machine à café) qu’il s’agit d’un affreux jeu de rôle, pour ne pas dire une mascarade.
A l’issue, j’ai réalisé toute l’absurdité d’agir ainsi avec quelqu’un d’aussi autonome, motivé et foncièrement libre dans son état d’esprit. Hors de question de baser le fonctionnement d’une jeune entreprise de passionnés sur une « mascarade humaine » !
1. Laisser chacun libre du « Comment »
Nous considérons que chacun a seulement besoin de comprendre Pourquoi et Pour Qui il travaille.
Une fois les bonnes conditions de travail créées, il est inutile de dire à chacun Comment travailler. Les personnes recrutées sont justement les plus compétentes et intéressées pour décider du comment.
En tant que dirigeant d’entreprise, je dois essentiellement être le garant du partage de cette vision du Pourquoi et Pour Qui ainsi que des bonnes conditions pour que chacun se sente bien et puisse décider du Comment.
Et la magie qui s’opère alors, c’est qu’il n’y a plus besoin de bâton ou carotte pour obliger ou motiver les gens à travailler. Motiver quelqu’un n’est qu’une illusion, une personne se motive elle-même ! La motivation découle d’une part de la compréhension du sens de son action (Pourquoi & pour qui) et d’autre part de la maîtrise de son action, c’est-à-dire de l’autonomie, de l’efficacité et de la responsabilité possibles. Sens et Liberté sont aussi une bonne recette du bonheur.
En pratique, décréter l’autonomie, la confiance et la liberté, entraîne de très nombreuses conséquences assez radicales dans une organisation d’entreprise.
2. Pas de manager !
Nous ne manageons pas les hommes et les femmes. Les gens motivés se managent très bien tout seuls. Et tant mieux, car un manager coûte cher et peut créer dans l’entreprise des activités non productives comme du reporting, de la concentration/rétention d’information et de décisions, etc. et on pourrait développer aussi sur les jeux de pouvoir, de séduction et de politique interne sans intérêt externe.
Nous avons des Leaders propres aux rôles opérationnels de l’entreprise. Ces Leaders sont des interfaces pour faciliter les interactions internes et externes et des décideurs autodésignés sur certaines activités pour simplifier l’organisation.
3. Distribuer la capacité de décider
La décision est classiquement concentrée entre les mains des managers. Sans manager, il est nécessaire de distribuer la capacité de décision.
Chez nous, tout le monde peut décider de n’importe quoi pour l’entreprise, mais pas n’importe comment !
La démocratie et le consensus étant probablement peu efficaces pour la nécessaire agilité de notre entreprise, nous avons adopté le processus de décision qui semble s’imposer dans les organisations en auto-gouvernance : la décision par sollicitation d’avis.
Toute personne est habilitée à prendre n’importe quelle décision, mais doit solliciter l’avis de ceux qui sont concernés par la décision et des spécialistes du sujet.
- les personnes concernées sont typiquement celles qui « devront vivre avec la décision prise »
- les spécialistes sont « toute personne experte ou pertinente sur le sujet à éclairer avant décision »
Ne pas consulter est une faute dans l’entreprise. Le décisionnaire reste le porteur et le seul responsable de sa décision. Il n’y a donc pas de dilution de la responsabilité. Cette responsabilité a elle seule, limite le risque que quelqu’un prenne une décision trop absurde ou contraire aux avis. Seules les décisions réellement utiles sont prises et le risque d’erreur se retrouve dilué dans l’entreprise vers des gens compétents pour chacune des questions plutôt que sur quelques « têtes » supposément omniscientes et compétentes sur tout.
À nouveau, ce processus entraîne plusieurs conséquences fortes.
4. Une transparence totale, mais une clarté nécessaire.
Pour prendre une bonne décision, il faut disposer des bonnes informations. Notamment d’un point de vue financier. La transparence des informations est donc totale dans l’entreprise.
Typiquement, cela signifie que tout le monde connaît la trésorerie de l’entreprise ou que les dépenses et gains sont accessibles à tous. Par conséquent, les salaires de chacun sont connus de tous, y compris celui du dirigeant.
Comprendre l’information, notamment financière, est également une nécessité. La stratégie, les décisions et la comptabilité font donc l’objet d’un effort particulier de communication et d’explication. Toutes les réunions de gouvernance, de stratégie ou de gestion financière sont également ouvertes à toute personne souhaitant y assister, voire contribuer.
5. Disposer de la capacité d’agir
Il ne suffit pas de prendre de bonnes décisions. Pour éviter le coup d’épée dans l’eau, encore faut-il pouvoir agir !
La capacité d’action se décide de 2 manières concrètes dans l’organisation :
- Les moyens : Chacun dispose d’une CB personnelle qui débite directement sur le compte bancaire de l’entreprise. Accessoirement, cet outil règle la question des notes de frais qu’il n’est pas besoin de valider et se faire rembourser (faire de la trésorerie à titre personnel pour les besoins de l’entreprise, quel scandale !).
- Le temps : Chacun dispose du temps nécessaire à ses actions hors missions. Estimé à 20%, il n’est pas formalisé, mais la charge de mission est organisée pour ne pas surcharger les emplois du temps.
Un des bénéfices notables de cette décision distribuée avec transparence de l’information et capacité d’action est que chacun est de fait positionné en « entrepreneur » pour l’organisation.
6. Zéro contrôle
On comprend que ces dispositions ont pour préalable une confiance totale de l’organisation envers ses acteurs. À nouveau, les implications sont fortes et inhabituelles.
À l’inverse du mantra managérial habituel qui voudrait que « la confiance n’exclue pas le contrôle » (une citation de Lénine contraire à toute logique), nous n’organisons aucun contrôle des personnes et de leurs actions.
Or, il ne s’agit pas que d’une posture logique ou morale, c’est également un choix pragmatique et comptable. Ce que Gordon Forward a appelé « le management des 3% » traduit que 3% d’exception finissent par générer des contraintes à 97% de normalité à un coût très supérieur à l’anomalie !
En résumé, le contrôle coûte toujours plus cher que la confiance.
J’ajoute que pour ma charge mentale d’entrepreneur, c’est salutaire. Quant aux effets pour l’entreprise, on mesure facilement combien la confiance est rendue au centuple, moralement et financièrement.
Conclusion
Notre modèle d’organisation a un effet connu que nous observons clairement : il libère les énergies et la créativité. Ce bénéfice au « projet » de Phenisys est précieux.
Mais encore plus fondamentalement, cette liberté et la maîtrise de son action par chacun s’accompagnent d’une responsabilité et d’une efficacité réelles, ce qui apporte du plaisir, de la motivation et, in fine je pense, du bonheur dans son travail. Et ce bénéfice à « l’humain » n’a pas de prix.
Références :
- Frederic Laloux a développé un modèle de ces organisations à partir de l’observation d’une douzaine d’entreprises dites « libérées ».
« Reinventing Organisations » F. Laloux. Editions Diateino
http://www.reinventingorganizations.com/fr.html
https://www.diateino.com/fr/106-reinventing-organizations.html - Un documentaire grand public d’Arte synthétise de manière illustrée nombre des concepts sur lesquels nous fonctionnons :
« Le Bonheur au Travail » Arte TV
https://boutique.arte.tv/detail/bonheur_travail